Jean et l'ange, c. 1270, enluminure, 14,6 x 11,4 cm, Bibliothèque bodléienne, Oxford
Le livre est facile à repérer : il se trouve toujours à la fin de la Bible, que ce soit dans les éditions du Nouveau Testament ou de la Bible complète (Ancien et Nouveau Testament). Fascinant, énigmatique, déroutant, compliqué... Voilà comment on qualifie souvent le livre de l’Apocalypse. Essayons d’y voir un peu plus clair.
L’Apocalypse compte parmi les livres les plus commentés de la Bible et il est de ceux que les artistes ont eu le plus de plaisir à illustrer. C’est aussi, hélas! celui qui défraie la chronique quand survient une catastrophe ou une tragédie. Certains groupes le consultent comme une boule de cristal où seraient clairement annoncés les événements futurs.
Le mot, apocalypse, est devenu, dans le langage populaire, synonyme de catastrophe et de fin du monde. Quant au livre, il a la réputation d’être difficile, compliqué, obscur à souhait et porteur de mauvaises nouvelles : ne qualifie-t-on pas d’apocalyptique tout ce qui est propos enchevêtré et sombre prédiction? Et si c’était le contraire? Si l’Apocalypse était plutôt un livre qui veut faire le point, apporter un éclairage et redonner espoir en période de crise? Regardons-y de plus près.
Le mot grec apokalipsis n’a rien à voir avec fin du monde, catastrophe et langage obscur. Au contraire, il signifie dévoilement, révélation.
Dévoilement, révélation, voilà le sens véritable du mot Apocalypse. Placé à la fin de la Bible, le livre synthétise, de façon remarquable, ses principaux courants :
Bref, on n’aurait pas pu choisir meilleur livre à placer en conclusion de la Bible!
Le livre a été écrit vers l’an 95, par un prophète appelé Jean. Cet auteur appartient au cercle des disciples qui se réclament de Jean, l’Apôtre et l’évangéliste. L’œuvre porte la marque des événements douloureux survenus au tournant des années 70, avec la prise de Jérusalem et la destruction du temple.
L’Apocalypse s’adresse en priorité aux Églises d’Asie Mineure (1,4.11; chapitres 2-3). Des communautés de la deuxième ou de la troisième génération sont déjà aux prises avec des divisions intestines. Elles doivent surtout affronter la puissante machine impériale (2,13; chapitres 13-18). Ces communautés sont acculées à des choix douloureux pour se définir par rapport à la Synagogue (2,9; 3,9).
L’œuvre, réputée obscure, est pourtant fort bien construite. Tout découle de la vision du Christ ressuscité. L’ensemble s’organise à partir de cette vision pour faire ressortir l’impact de la résurrection du Christ sur le déroulement de l’histoire. Trois grandes sections se font sans cesse écho et s’imbriquent l’une dans l’autre :
I - Le Christ ressuscité interpelle les Églises (chapitres 1-3).
II - Le Christ ressuscité dévoile le sens de l’histoire (chapitres 4-16).
III - Le Christ ressuscité triomphe définitivement des forces du mal (chapitres 17-22).
Étranger à nos esprits modernes, le genre littéraire du livre de l’Apocalypse était fort populaire au tournant de l’ère chrétienne. Il apparaît dans le livre de Daniel (vers 160 av. J.-C., un des écrits les plus récents de l’Ancien Testament. Les apocalypses, avec leur langage imagé et symbolique, leur lecture tragique de l’histoire et leur appel insistant à la conversion, leur vision d’un combat à finir entre les forces du bien et du mal prennent la relève du courant prophétique. On leur doit une littérature abondante, bien attestée dans les milieux juifs et les milieux chrétiens en attente d’une première venue du Messie ou de son retour victorieux.
Le prophète Jean perçoit le caractère tragique et tortueux de l’histoire humaine. Son livre n’ajoute rien au drame qui se joue sous ses yeux. L’auteur entend cependant l’éclairer à partir d’un événement qui justifie les plus grands espoirs.
L’Apocalypse multiplie les appels à l’espérance :
« Heureux celui qui lit » (1,3);
« Ne crains pas » (1,17);
« Ne pleure pas » (5,5);
« Voici le temps du salut » (12,10);
« Réjouissons-nous, soyons dans l’allégresse » (19,7).
De même pour les visions de salut :
Pas étonnant que le livre s’achève sur un cri d’espérance : « Amen, viens Seigneur Jésus! » (22,20).
Source : La Bible pas à pas, no 8.